Nava Starr & Johanne Charest (à droite) Toronto 1996
Par Johanne Charest MIF : (Échec plus nov-déc. 1996)
Cette année, le Championnat féminin canadien se tenait à Toronto, au « Tartu college », du 17 au 25 août, au même endroit que le Championnat fermé canadien, ce qui a été fort apprécié et intéressant.
Lorsque j’ai débuté le tournoi, rien ne laissait présager que je finirais en lion (une expression un peu exagérée), car je n’avais pas eu le temps de me préparer adéquatement. Pour ce tournoi j’avais amené avec moi une douzaine d’excellents livres qui pouvaient m’aider, mais aucun sur les échecs ! Comme beaucoup d’entre vous me connaissez, j’allais là-bas tout simplement pour jouer tout en m’amusant.
La première partie, je l’ai jouée contre l’actuelle Championne féminine du Québec, Diane Mongeau, contre qui j’ai annulé. La seconde partie, je jouais contre une autre joueuse du Québec, Penka Apostolov, et le résultat fut le même. Pas si facile que ça de gagner contre les joueuses québécoises ! Ensuite, je gagnais contre Erin Walker. À ma grande surprise j'ai réussi à annuler ma quatrième partie contre Stéphanie Chu avec une qualité en moins. Ensuite, la doyenne Smilja Vujosevic (dans la soixantaine), m’a permis d’inscrire une autre victoire.
La rencontre contre Nava Starr s’annonçait fort intéressante. Il y a de cela quelques années, j’avais eu l’occasion, lors d’un autre Championnat féminin canadien, de jouer contre elle à Guelph pour la première fois de ma vie et j’avais annulé, à notre grande surprise à toutes les deux ! À cette époque, j’étudiais et je me préparais comme tout bon joueur d’échecs sérieux. Vers le milieu de cette partie, pour une des rares fois de ma vie échiquéenne, j’ai voulu jouer pour gagner et c’est ce qui arriva, au grand étonnement de Nava Starr, Championne du Canada durant les 18 dernières années.
J’ai gagné ma partie contre Béatrice Wu et c’est à partir de ce moment là que je me suis retrouvée en première place ex aequo avec Nava Starr. Mais je n’avais pas encore affronté la deuxième meilleure joueuse Natalia Khoudgarian que j’ai réussi à battre.
Cela peut vous paraître surprenant mais j’étais satisfaite de ma performance à ce moment là. Même en perdant la dernière partie, j’arrivais quand même deuxième, si j’annulais j’arrivais ex æquo en première place avec Nava, sinon j’étais première.
Je ne sais pas si la nuit porte conseil mais lorsque je me suis levée, j’avais la ferme intention de gagner contre Vesma Balgailis. Pendant mon sommeil j’ai rêvé que je jouais une partie d’échecs avec elle. Je lui ai donné des coups à droite et à gauche (sur la joue) lorsqu’elle a triché. Évidemment, c’est faux et ce n’était qu’un rêve mais, inconsciemment, la motivation était présente. Et ce qui arriva, arriva. J’ai gagné la partie et sans trop savoir comment, j’ai remporté le Championnat féminin canadien !
Ce fut un long parcours de 13 ans aidé par plusieurs professeurs à qui je dis un gros merci, en passant. Vous vous connaissez sûrement tous. Étant donné que le Championnat était aussi un zonal, pour avoir le titre de Maître International féminin (MIF), il fallait que j’amasse 66% des points dans le tournoi, ce que j’ai dépassé avec 83%. Natalia Khoudgarian a aussi eu son titre de MIF.
Après avoir joué mon dernier coup, j’ai aussitôt téléphoné à Longueil à un de mes plus fidèles supporteurs qui m’a toujours dit : « Que pour gagner, il fallait étudier fort ». Je venais justement de contredire cette savante théorie. L’étude n’y était peut-être pas, mais la pratique oui. J’ai disputé plus de 800 parties au cours des dix dernières années.
Un ami, à qui il a dit que sa fille était Championne du Canada et qu’elle n’avait pas étudié, lui a répondu que ce n’est pas parce que Lemieux et Gretzky ne participent pas toujours aux pratiques qu’ils ne « scorent » pas des buts et qu’ils ne gagnent pas des trophées.
J’aimerais en profiter pour remercier les organisateurs du tournoi pour leur très bonne organisation et les facilités qu’ils ont mises à notre disposition. Une seule fausse note au tableau, dans notre appartement et dans ceux des autres, il y avait des cafards. Vous savez, les petites bibittes qui se promènent la nuit sur les murs et ailleurs, qui ne sont pas belles à voir et qui vous empêchent de bien dormir. En passant, ils ne connaissent pas le Français. Avec le bon résultat que j’ai obtenu, ces petites bibittes deviendront peut-être un porte-bonheur, car comme plusieurs joueurs(ses), je suis un peu, beaucoup superstitieuse.
N. Starr - J. Charest (Ch. Féminin) Toronto 1996 attaque Max Lange C55
1.e4 e5 2.Cf3 Cc6 3.d4 exd4 4.Fc4 Fc5 5.0-0 Cf6 6.e5 d5 7.exf6 dxc4 8.Te1+ Fe6 9Cg5 Dd5 10.Cc3 Df5 11.Cce4 0-0-0 12.g4 De5 13.fxg7 Thg8 14.Cxe6 fxe6 15.Fh6 d3 16.c3 Fb6 17.Dd2 Ce7 18.Cg5 Dd5 19.Cxh7 Cg6 20.Cf6 Df3 21.Fg5 Tg7 22.Txh6 Tf8 ?! 23.Tae1 Txf6? 24.Txf6 Dxg4+ 25.Rh1 Ch4 26.Tg1?? De4+ 27.f3 Cxf3 28.Txf3 Dxf3+ 29.Dg2 Txg5 0-1